<<Les rivières de notre enfance>> [Libre]

Les Rivières de notre enfance
Saori K. Gekkoo
With Somebody

Nous sommes à l'embouchure,
Là où la rencontre mêle les destins,
Mon coeur battait à une toute autre mesure,
Tout contre le tien,
Nos souffles résonneront encore,
Tu me manques au-delà du réel

Elle s'y rendait souvent, elle avait tracé sur l'arbre un coeur avec leurs initiales, ses doigts frôlaient le bois, lentement, presque sensuellement.Imaginant, se souvenant, ils étaient là, et elle aurait à jamais voulu que les traces de leur passion marquent à jamais son dos blanc comme la neige, indéniablement parfait.Aucune cicatrice ne profanait son corps, mais une meurtrissait son coeur; Et même si l'automne avait déjà touché les arbres alentours, elle raviva celui qui avait accompagné leurs ébats, alors qu'eux même ne savaient pas qu'ils étaient avec leur bien-aimé.Elle maudissait Dieu, cette jeune fille à la robe d'été blanche, perdue dans un décor aux tons d'agrume, avec un arbre qui était au moins aussi excentrique qu'elle.

Il n'y avait dans l'air que le bruit des feuilles qui tourbillonnaient, sous un soleil doux qu'elle qualifiait d'agonisant.Ici, à Fallen Angel, lorsque les enfants revenaient de l'école, ils ne passaient plus ici, tout rouillait comme le feuillage, tout déclinait après son apogée, et ce lieu de joie était si triste et si morbide, même en journée.Aucun éclat de rire, aucun sourire, juste un vide à contempler, qui cependant était attirant pour qui savait l'apprécier.

Saori, après avoir effleuré le toboggan en plastique jaune, s'assit sur une des balançoires, comme tout le monde, elle se balança sans même s'en rendre compte, à croire qu'une balançoire était un objet conçu avec un sort qui, à tout les coups, vous donnera envie de vous projeter d'avant en arrière à l'aide de vos pieds.Lorsqu'elle s'en rendit compte, elle cessa automatiquement, bloquant ses jambes machinalement, ses mains serrant le rectangle de de plastique sur lequel elle s'était posée.Rien à faire, elle avait toujours autant l'impression de le voir, et même si elle savait que c'était faux, qu'elle s'en persuadait, la douleur était là, mais elle ne pleurait pas, pas maintenant.

Les feuilles voletaient bizarrement, elle sentait quelque chose de différent dans l'air, une présence.Elle leva la tête sans faire le moindre bruit, prenant soin de ne pas donner de coups dans les chaînes.Elle n'avait pas envie de prévoir d'où il allait arriver, elle voulait juste voir arriver le plus vite possible.Il était encore jour, elle ne pouvait pas encore tuer...et s'il était appétissant, elle préfèrait s'éloigner avant de faire une quelconque bêtise...comme une débutante.De toute façon, ça devait être un gamin, elle les épargnait, pas assez de chair, pas assez conscient de l'horreur qui se déroulait.